« Depuis la fin de l'année 2017 et pour des raisons de sécurité, la liste complète des substances autorisées sur les sites Seveso n'était plus rendue publique », a expliqué Édouard Philippe devant les sénateurs mercredi 2 octobre. Le Premier ministre voulait ainsi justifier la publication tardive de la liste des produits présents dans les bâtiments qui ont brûlé lors de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen le 26 septembre. Cette liste n'a été publiée que cinq jours après l'accident.
Effectivement, en 2017, le Gouvernement avait décidé de restreindre la diffusion d'informations jugées sensibles sur les matières dangereuses présentes dans les installations classées en raison du risque terroriste. Il avait adressé une instruction en ce sens aux préfets, qui faisait suite aux attentats sur le site de la société Air Products à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) en juin 2015, et à l'incendie criminel sur le site pétrochimique de LyondellBasel de Berre-l'Étang (Bouches-du-Rhône) un mois après.
Toutefois, ce n'est pas parce que les annexes des arrêtés ne sont pas diffusées au public pour de légitimes questions de sûreté que les services de l'État ne possèdent pas la liste des substances et mélanges dangereux autorisés dans l'établissement. Et ce, d'autant plus que le Gouvernement annonce qu'une mise à jour de l'étude de dangers a été réalisée par l'exploitant avant que le préfet n'autorise une augmentation de capacité du site en mars dernier.
Rien sur la deuxième augmentation de capacité
Le Gouvernement se défend en faisant la distinction entre, d'une part, la liste des substances et leurs quantités autorisées par l'arrêté préfectoral d'autorisation et, d'autre part, la liste des produits effectivement présents dans les bâtiments sinistrés le jour de l'incendie. « Dans tous les cas, [la liste complète des substances autorisées] ne dit rien des produits et des quantités réellement présents sur le site à un moment donné », assure Édouard Philippe. « On a mis une pression très forte sur l'industriel (…) pour qu'il nous donne la liste précise des produits qui étaient stockés dans l'entrepôt », a expliqué Élisabeth Borne quelques heures avant au micro de franceinfo.
Pourtant, rien n'empêchait le Gouvernement de diffuser la première liste dès le jour de l'accident. D'autre part, ces deux listes ne sont pas étrangères l'une à l'autre. L'arrêté d'autorisation de l'établissement est censé préciser de manière exhaustive, et en prenant en compte les quantités maximales susceptibles d'être présentes dans l'établissement, les différentes catégories de substances autorisées avec leurs tonnages et leur emplacement dans les plans annexés à l'arrêté.
Le Gouvernement reste par ailleurs totalement muet sur la deuxième augmentation de capacité autorisée sur le site cette année. Celle-ci a été validée par un deuxième arrêté préfectoral en date du 24 juillet 2019, soit deux mois avant la catastrophe. Le texte indique qu'il s'agit de « refondre entièrement l'arrêté préfectoral cadre réglementant le site avec les nouvelles prescriptions » résultant du nouveau stockage de produits. Celui-ci consistait à stocker 240 ISO conteneurs d'une capacité de 4 800 tonnes, dont 250 tonnes de produits inflammables et 350 tonnes de produits dangereux pour l'environnement aquatique, mais aussi d'installer 24 postes de réchauffage destinés à modifier la viscosité des produits. Aucune mention d'une étude de dangers ne figure dans les visas de l'arrêté. En revanche celle de la décision du préfet de dispenser d'évaluation environnementale cette augmentation de capacité est bien présente.